Parole de Carolo – Joris Stéphanie – A l’Est (de Charleroi) Du nouveau
Temps de lecture : 7 minutes

A l’Est (de Charleroi), du nouveau

Un marché local ; de la tartiflette à déguster ; le « jardin doré » et une nouvelle fresque à découvrir ; un concert des Vagabonds sauvages, une représentation des Barjoret.te.s, un brin décalées ; des animations sur le thème de la « transition »…

Le programme de la fête locale qui s’est déroulée le dimanche 25 novembre au Cercle Saint-Charles à Montignies-sur-Sambre, dit beaucoup sur le style et les motivations des copropriétaires du Cercle, Stéphanie Joris, Nicolas Buissart et Christophe Jadot. La parole à Stéphanie.

D’abord un conseil : si vous voulez vous entretenir en particulier avec elle, n’allez pas, au Cercle Saint-Charles, comme nous, un mercredi fin d’après-midi. Ou alors pour boire un verre. Pour ça, n’hésitez pas ! Essayer, c’est être adopté.

Tournées générales

Le mercredi est le jour de la halle (marché local, produits locaux). C’est-à-dire le jour du bistrot, un vrai café décoré à l’ancienne joyeusement hétéroclite, où les clients ne font pas que des emplettes. 

Si une dizaine de tables occupent une salle plutôt petite comparée à l’immensité du bâtiment, il n’y a qu’une seule tablée qui s’épanouit en conversations et tournées générales. Impossible d’échapper à cette ambiance de chaleureux voisinage. 

Mais n’est-ce pas ce type de relations, conviviales, très directes, que le trio entend reconstituer, dans ce lieu qui fut pendant des décennies un espace où l’on venait boire un verre, voir une pièce de théâtre, tenir une réunion, discuter affaires – et repasser après la messe du dimanche ?

Stéphanie, comme ses deux complices, est sollicitée toutes les cinq minutes. Pas de souci. Elle a le temps, nous expliquera d’où vient sa « cool attitude ». 

A quel saint se vouer ?

La première question découle du minimum de lecture préparatoire. Nous sommes donc assis au Cercle Saint-Charles, dans une ancienne salle paroissiale – des affiches en témoignent – située devant une église dédiée à saint Rémy. Qui abrite des reliques de… saint Valentin. Un fait nettement moins connu des habitants de Charleroi (et d’ailleurs) que la fête des amoureux dont il est le protecteur. 

On ne sait vraiment plus à quel saint se vouer.

Une explication s’impose. D’autant qu’il y a un lien entre Valentin et « La légende dorée », le livre qui a donné son nouveau nom à l’ancienne rue de l’Eglise.

Installez-vous. Cela prend un peu de temps. Merci au passage à Wikipédia, au site Charleroi-Découvertes ainsi qu’à Jean-Marie Hoornaert pour les références historiques.

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Christophe, Stéphanie et Nicolas de gauche à droite. Le premier est le plus souvent derrière le bar, ses deux associés plutôt dans le bar, au contact des clients, tous des amis.

Charles le bienfaiteur

Saint Charles ? Ne le cherchez pas dans l’annuaire des canonisés. Il s’agit du prénom d’un bienfaiteur, Charles Piérard qui a fait don d’un terrain à la paroisse en 1896. Il était situé rue du Centenaire, à l’arrière de l’école Saint-Valentin. Le premier Cercle Saint-Charles y fut construit.

Durant la guerre 14-18, l’église Saint-Remy et le quartier attenant furent détruits par des bombardements. Les dommages de guerre ont permis de financer la reconstruction de l’église et d’ajouter en face un nouveau Cercle paroissial, inauguré en 1927.

Rebelote si l’on ose dire 25 ans plus tard. Cette fois, les dommages de guerre ont permis d’agrandir le bâtiment dans son format actuel. Inauguration en 1954. 

Le premier Cercle servait de local pour le patro. En vendant le nouveau, devenu lourd à entretenir, la paroisse a pu restaurer le bâtiment initial. Et s’il n’y a plus de patro, il est loué aujourd’hui par une Maison de Jeunes. Bel exemple de reconversion…

Saint Rémy ? Rien de spécial à dire. C’est l’histoire des reliques de saint Valentin qui vaut le détour. Il y a déjà eu d’ailleurs des balades guidées organisées pour expliquer cette curiosité.

Il mariait en secret les soldats romains

Valentin de Terni est d’abord un martyr, arrêté en l’an 269, à Rome au motif qu’il mariait secrètement des soldats romains chrétiens. L’empereur Claude II le Gothique avait interdit cette cérémonie parce qu’il manquait de légionnaires. Et qu’il était violemment opposé au christianisme. 

D’après La Légende dorée – nous y voilà – un ouvrage rédigé entre 1261 et 1266 qui raconte la vie d’environ 150 saints, Valentin fut emprisonné, fit la connaissance de la fille, aveugle, de son geôlier à qui il rendit la vue. L’empereur ne supporta pas ce miracle et le fit décapiter.

Son titre de patron des amoureux date de 1496. Décerné par le pape Alexandre VI, qui, soit dit en passant, n’a pas été un modèle de vertu chrétienne.

Les Montagnards sont là !

Quant aux reliques, des ossements et une fiole de sang placés dans une châsse scellée, elles furent offertes aux Montagnards par le pape Pie IX en remerciement pour leur soutien. 

Comment ça ? Jusqu’au 20 septembre 1870, le pape régnait sur les Etats pontificaux, au centre de l’Italie. Ce jour-là, les troupes de roi d’Italie Victor-Emmanuel II entrèrent dans Rome, réduisant la souveraineté temporelle du pape au seul Vatican, 44 hectares enclavés dans la Ville éternelle. Se déclarant prisonnier, Pie IX chercha l’appui moral de la chrétienté. Que lui offrit le zélé curé de Montignies, Léopold Chappuis, en organisant force pèlerinages dans la région. 

Les reliques arrivèrent en grande procession le 10 août 1874. 

Stéphanie et une amie devant le Cercle, un bâtiment chargé d’histoire qui retrouve une deuxième jeunesse…

Coup de folie, coup de coeur

Bienfaitrice, Stéphanie Joris l’est aussi, à sa manière, comme Nicolas et Christophe. « Quand en 2019, nous avons appris que le Cercle était à vendre, nous avons eu tous les trois un coup de cœur équivalent à un coup de folie. 

Bien que d’origines différentes, Nicolas de Villers-Poterie, Christophe de Chaumont-Gistoux et moi de Mont-sur-Marchienne, nous habitions tous les trois à Montignies. Et partageons la même envie de redonner vie à ce lieu si rassembleur dans les décennies précédentes. Il bénéficie d’une bonne notoriété et, surtout, d’espaces qui ont chacun leur cachet, leur valeur patrimoniale et leurs possibilités ».

Restait à réunir assez de fonds pour devenir propriétaires. Il y avait d’autres candidats. Mais le cap fut franchi. Suivi immédiatement de travaux d’aménagements. Au lieu d’être un embarras, la période Covid servit leurs desseins. La dynamique de la relance est vraiment enclenchée depuis 2022.

L’amour du Rwanda

« Cela peut ressembler à une intuition. Je fonctionne comme cela. Je sens que c’est ce que je dois faire et après je fais tout pour que cela fonctionne au mieux. J’ai agi comme cela aussi pour mes études. Le droit ne me convenait pas. J’ai préféré la communication et plutôt que le journalisme, j’ai opté pour le pôle média/culture/éducation. »

Stéphanie Joris est responsable de la communication à l’Aviq. Les activités du Cercle, c’est un « engagement complémentaire ». Concilier le tout exige une bonne organisation et de la décontraction. Le « keep cool », lui vient, dit, elle, « de son amour pour le Rwanda. Bien que née en Belgique, j’y ai vécu jusqu’à 5 ans. Mon père y travaillait pour une entreprise belge de construction. Mes parents n’ont pas cessé de réaliser des films qui ont entretenu mes souvenirs d’enfant. J’y suis retournée à six ou sept reprises. J’ai emmené Nicolas et Christophe. Je voulais leur montrer que mon second pays ne correspondait plus à ce qu’ils en avaient appris en découvrant la tragédie du génocide. »

4 ans ! DERNIERE MAU M'TIES SAINT HARLES SAINT CHARLES 

Il peut y avoir des étincelles entre nous mais nous sommes d’accord sur le fond…

Trois sanguins

Comment a-t-elle connu ses deux associés ?

« Nicolas Buissart, en participant à un de ses safaris de Charleroi Adventure. »

Stéphanie Joris s’arrête, comprenant les interrogations des lecteurs que le bonhomme pourrait susciter. Ses balades ne cachent pas les blessures, pas toujours cicatrisées, d’une ville de vieille industrie, trop longtemps délaissée.

« Quand il a eu connaissance en 2009 de ce fameux titre d’un journal hollandais qualifiant « Charleroi de ville la plus moche du monde » il était étudiant à l’académie des Beaux-Arts d’Anvers. Devant réaliser une œuvre, il choisit de s’emparer de ce sujet. Il le prenait comme s’il affrontait une vague. Plutôt que de l’attaquer frontalement, il préfère surfer dessus pour la dénoncer plus subtilement. » 

Ses premiers « safaris » furent ressentis par les autorités communales – pas seulement – comme un clou enfoncé dans la plaie de la colère et de la désillusion au regard de tout ce qui est entrepris pour changer notre image. 

« Nicolas est un artiste avant d’être un bon communiquant. Il s’est braqué, mais l’avantage de notre trio, c’est qu’on se dit franchement les choses, même si ça fait des étincelles. Nous sommes trois sanguins… complémentaires. Nicolas est mieux compris aujourd’hui. »

D’accord sur le fond

Et Christophe ?

« Nous nous connaissions. Forcément, c’était mon mari. Nous sommes séparés, mais nous nous entendons mieux en associés qu’en époux. » 

Lui c’est le gestionnaire, plus réservé que Stéphanie, moins bohème que Nicolas. « Le mercredi, Nico et moi, sommes dans la salle, alors que lui reste derrière le bar ».

« Le plus important, conclut Stéphanie sur ce point, c’est l’entente sur les valeurs et les objectifs à atteindre. Et s’il y a des divergences entre nous sur la manière d’y arriver, nous sommes d’accord sur le fond ».

Une scène inoubliable

Le premier objectif est d’ancrer le Cercle dans son quartier et de participer à sa redynamisation. Le quartier est petit, quelques rues seulement, et décalé par rapport au centre névralgique de Montignies. L’église n’est pas tout à fait au milieu du village !

Le lancement du jardin participatif, appelé « Jardin doré », la création d’une fresque vont dans ce sens. 

« Un second objectif, précise Stéphanie, est de rendre sa destination initiale au Cercle Saint-Charles, dont l’ancien théâtre des années 20. La restauration d’un tel lieu culturel, en particulier à Montignies-sur-Sambre où l’offre culturelle est réduite, permettra de favoriser l’accès à la culture et valoriser le patrimoine existant ».

Au-delà du quartier, c’est tout l’Est de la Ville que le Cercle entend viser. A l’Est, du nouveau ! Le projet des prochains mois en découle avec la rénovation de la scène et des coulisses du théâtre du Cercle et l’installation de loges. « Nous voulons une scène modulable, une scène qui claque, une scène inoubliable pour proposer des spectacles de qualité au profit d’opérateurs carolos. » 

Le budget ? Le trio recourt au crowdfunding (financement alternatif). Ce fut le cas pour l’aménagement du jardin, ça l’est pour le théâtre. Pour la fresque, il a répondu à l’appel à projets d’initiatives citoyennes lancé par la Maison de la Participation et des Associations.

Le Cercle a également aménagé quatre kots pour étudiants, loue des salles et a structuré son mode de fonctionnement. D’une part une SPRL qui s’occupe de la gestion, du bâtiment, des locations, du bistrot. D’autre part l’asbl Le Prétexte, présidée par Stéphanie Joris, en charge de la partie socioculturelle et de l’animation du quartier. 

Une Saint-Valentin alternative

Même s’il est trop tôt pour mesurer l’impact du nouveau Saint-Charles, Stéphanie l’estime très prometteur. « Il y a une attente pour des lieux de vie culturelle décentralisés. Si le public est local, nous touchons également une population extérieure. Le Cercle est aisément accessible, un atout important, notamment pour des gens issus des communes du sud de Charleroi »

Nous voilà loin de saint Valentin. « Pas du tout, rit-elle. Le 10 août 2024, ce sera le 150e anniversaire de l’arrivée des reliques. Pas question de passer à côté ! »

Une Saint-Valentin alternative, en quelque sorte. Et puis, amoureux, on peut l’être aussi de sa Ville, non ?

Les Barjoret-te-s, bonne humeur à la baguette

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